La contre forme est une technique de dessin consistant à marquerl'espace adjacent à ce qui est représenté. Mettons un portrait dont la joue droiteprend la lumière, afin de la révéler, plutôt que de tracer le contour, il s'agit de foncerl’extérieur du portrait qui indirectement va tracer la joue et prendre le blanc dupapier pour en révéler la lumière. En vérité cette attitude vis à vis de lareprésentation prend moins en compte le trait poser sur le papier que ce quil'entoure. On regarde ce qui n'est pas tracé, l’absence de marque.
À partir de là, la transposition d'une telle vision dans un domaine plus élargie quecelui du dessin consiste à regarder l'absence, ce qui n'est pas. La contre-forme est audessin ce que le silence est au son, le hors champ au cinéma... On comprend quel'on se situe dans une ville autant par la présence d'immeuble que l'absence dechamp. C'est ouvrir une infinité de considérations vis à vis du monde dans lequelnous évoluons. Plutôt que de regarder « les lumières du présent » qui nouséblouissent, on s’intéresse ici à une lumière obscure qui ne se révèle que par notreregard qui devient alors actif*.
La capacité subversive de cette pratique est que l'absence peut révéler d'un choixvolontaire de quelqu'un qui nous est inconnu. « Il » met en absence. Cette capacitéde voir par contre forme nous permet ici de révéler ce qui a été volontairementécarté**. C'est voir dans toute son étendu le réel et d'être en prise avec celui-ci defaçon complète.
Il s'agit d'un éveil nécessaire, qui prend un intérêt d'autant plus vif dans notreépoque. Cette même époque qui opacifie délibérément notre vue, à la manière d'uncontre jour dans une image photographique dont le photographe est mise en absencecomme pour masquer son immense pouvoir. Une fois ce concept saisit, noussommes en capacité, si cela nous semble nécessaire, de révéler l'absence en lepassant dans la présence comme la contre-forme a révélé la joue droite avec leblanc du papier, et inversement.