La contre forme est une technique de dessin consistant à marquer l'espace adjacent à ce qui est représenté. Mettons un portrait dont la joue droite prend la lumière : afin de la révéler, plutôt que de tracer le contour, il s'agit de foncer l’extérieur du portrait qui indirectement va tracer la joue et prendre le blanc du papier pour en révéler la lumière. En vérité cette attitude vis à vis de la représentation prend moins en compte le trait posé sur le papier que ce qui l’ entoure. On regarde ce qui n'est pas tracé, l’absence de marque.
À partir de là, la transposition d'une telle vision dans un domaine plus élargi que celui du dessin consiste à regarder l'absence, ce qui n'est pas. La contre forme est au dessin ce que le silence est au son, le hors champ au cinéma... On comprend que l'on se situe dans une ville autant par la présence d'immeuble que l'absence de champ. C'est ouvrir une infinité de considérations vis à vis du monde dans lequel nous évoluons. Plutôt que de regarder « les lumières du présent » qui nous éblouissent, on s’intéresse ici à une lumière obscure qui ne se révèle que par notre regard qui devient alors actif*.
La capacité subversive de cette pratique est que l'absence peut relever d'un choix volontaire de quelqu'un qui nous est inconnu. « Il » met en absence. Cette capacité de voir par contre forme nous permet ici de révéler ce qui a été volontairement écarté**. C'est voir dans toute son étendu le réel et être en prise avec celui-ci de façon complète.
Il s'agit d'un éveil nécessaire, qui prend un intérêt d'autant plus vif dans notre époque. Cette même époque qui opacifie délibérément notre vue, à la manière d’un contre jour dans une image photographique dont le photographe est mis en absence comme pour masquer son immense pouvoir. Une fois ce concept saisit, nous sommes en capacité, si cela nous semble nécessaire, de révéler l'absence en le passant dans la présence comme la contre forme a révélé la joue droite avec le blanc du papier, et inversement.
*Se référer au concept du spectaculaire donné par Guy Debord dans "La société du spectacle" / "Commentaires sur la société du spectacle"**Le meilleur exemple serait le modèle de la Silicon Valley où l'industrie sous jacente au nouvelle technologie est totalement occulté par un univers propre et vert, très loin des industries Foxconn (ibid Revu Z : technopoles radieuses )