Cette série photographique est un travail d'enquête documentaire de plusieurs mois. J'étais à Leipzig en Allemagne pour un erasmus. Le statut étudiant me permettait d'avoir accès à l'ensemble de la région gratuitement par le train. A plusieurs reprises je suis partis, entre Octobre et Décembre, en trek dans les campagnes de cette région et plus particulièrement celles qui abritent les exploitations de lignite. Le lignite est un type de charbon extrêmement polluant à l'usage autant qu'a l'extraction. L'Allemagne pour des questions géopolitiques d'indépendance énergétique ont recours a ces ressources.
J'ai essayé d'appuyer une reflexion sur la gestion du paysage dans de telles situations. Les mines demande l'expropriation des riverains, la création d'une zone creusée sur une centaine de mètre s'étalant à perte de vue. Pour la réhabiliter, les industrielles en charge de l'exploitation noient le site après usage pour le transformer en lac. Différentes notions de temps se mettent en place dans ce genre de projet. Sur site on peut lire le temps, voir les traces de ce qui pourrait constituer une histoire. Par exemple, la typologie du paysage n'est pas la même sur une zone retournée récemment que sur une zone retournée il y a plusieurs années ou la nature reprend ses droits. La question de la lecture historique dans le paysage anthropocène (humanisé) devient beaucoup plus complexe quand tout le site est noyé pour en faire un lac. Ce type de réhabilitation peut-être soumit au débat, car noyer le site c'est noyer sa mémoire et celle des riverains expropriés.
Ce type de choix est selon les exploitants des mines une façon de rendre le paysage "plus naturel" qu'il ne l'était avant par la création d'un paysage plus varié. Cette affirmation qui semble très étrange met l'Homme dans une posture de créateur, ou il est véritablement "être générique", y compris sur ce qu'il n'a pas fabriqué comme la nature, mais dans lequel il s'est inscrit totalement. Cette nouvelle posture confond donc ce qui serait contingent de ce qui serait vraiment voulut par l'Homme.
A la manière du grand canyon qui mit des milliards d'années à se former par l'érosion, des falaises formées en quelque mois par l'Homme s'érodent à une vitesse phénoménale(car la terre n'est plue tenue) leur donnant les mêmes rides. Des flaques d'eau stagnante se forment seules, atteignant presque la taille d'un lac après 10 années de ruissellement pour être supprimé en 1 mois par des pompes gigantesques, ou reproduit en quelques semaines par une inondation volontaire de toute la mine cette-fois ci.
Si il en est ainsi, c'est peut-être que le rythme de l'Homme n'est plus lié au contrainte du rythme terrestre. L'homme a cette capacité à réveiller cette matière morte dans le sous-sol en la brûlant pour injecter sa lumière et son énergie dans le présent. Cette accélération se fait par la résurrection du passé dans un monde ou la paysage porte les séquelles des vivants et des fantômes réunies dans la même course. C'est cette étrange histoire que j'essaye de relever au sein de cette série photographique.